Le Caodaïsme
par Gustave Meillon
(1)
'existence au Sud
Vietnam de plusieurs sectes d'origine religieuse et de groupements politico-confessionnels
n'est pas un fait particulier à ce territoire, mais une donnée assez courante
dans l'histoire des peuples d'Extrême-Orient.
Pour s'en convaincre, il n'est d'ailleurs que de rappeler le rôle plus ou
moins important joué par les Sociétés secrètes ou à caractère mystique, telles
que les " Turbans Jaunes «, les " Lotus Blancs " dans les destinées
des pays de sud-est Asiatique.
La crédulité d'une population fruste, avide de connaître des puissances surnaturelles,
est un argument essentiel de la faveur et de la prospérité qu'ont connues
ces diverses Associations chez qui une impulsion politique vigoureuse peut
faire lever, à l'occasion, des contingents de combattants décidés.
Le Sud-Viêtnam, en pleine évolution à la suite des événements de 1945-1946,
profondément affecté par l'occupation japonaise, et l'impuissance concomitante
du Pouvoir Central, devait, dans de telles conditions, offrir un terrain favorable
au développement des sectes politico-religieuses existantes, et accroître
singulièrement leurs possibilités d'action. De fait, et après une période
assez trouble où leurs dirigeants comprirent que le succès total des Forces
Communistes serait funeste à leur cause, les différentes sectes du Sud-Viêtnam
se sont sensiblement ralliées au commandement français auquel elles ont apporté,
dans les opérations de pacification, un concours certain, encore que très
souvent intéressé et sujet à quelques défaillances.
Laissant de côté les Hoa-Hao, les Unités de Marche de Défense des Chrétientés
et les Forces Armées Nationales Binh-Xuyên, Monsieur MEILLON, l'un de nos
meilleurs spécialistes des questions du Viêt-nam, a bien voulu écrire, pour
les lecteurs du Ruban Rouge, l'étude suivante sur le Caodaïsme.
P. B.
Par
deux fois, récemment, le Caodaïsme a fait l'objet d'informations touchant
à l'actualité vietnamienne. Cela mérite d'autant plus d'être souligné que,
depuis 1956, année de l'intégration définitive des troupes caodaïstes dans
l'armée nationale vietnamienne ( 24 février ) et de la conclusion de la convention
de Tây-Ninh ( 28 février ), ce mouvement n'avait plus guère fait parler de
lui, si ce n'est lors du décès survenu à Phnom-Penh, le 17 mai 1959, du Supérieur
Pham Công Tac.
Début juillet 1959, certains journaux saigonnais publiaient la nouvelle d'un
détournement de deux millions de piastres commis à l'occasion de la construction,
en 1955, d'un camp situé à Xuân-Hiêp ( Thu-Duc ) et destiné à des troupes
caodaïstes. Aussitôt, le Département de la Défense Nationale, au cours d'une
conférence de presse tenue le 7 juillet, démentait formellement la nouvelle.
Il faisait savoir qu'en 1955 le Général caodaïste Van Thanh Cao agissant de
sa propre initiative, avait confié à l'un de ses officiers le soin de construire
le camp en question ; cependant, le détachement qui devrait s'y installer
avait dû faire mouvement avant l'achèvement des travaux, devenus sans objet
et, de ce fait, arrêtés. Il ajoutait que le Général Van Thanh Cao lui avait
bien demandé une somme supérieure à six millions de piastres afin de rembourser
les dépenses engagées, mais que cette demande, en cours d'examen, n'avait
encore fait l'objet d'aucune ouverture de crédits.
Le 22 novembre s'ouvrait à Saigon le Congrès national de l'Association pour
la Restauration du Viêt-nam, parti fondé en 1949 en vue de rassembler toutes
les classes de la population vietnamienne, présenté comme un mouvement indépendant
du Caodaïsme, mais considéré en fait comme soumis à cette doctrine. C'était
la résurgence de l'ancienne " Ligue pour la Restauration du Viêt-nam
", créée en 1936, sous l'égide du Prince CUONG DE, réfugié au Japon,
d'où il animait une active propagande nationaliste.
Le
journal d'Extrême-Orient ( numéro du 20 novembre ) ayant affirmé à l'occasion
de ce congrès qu'il s'agissait d'une organisation politique " composée
en grande majorité de Caodaïstes " et comptant " environ 2 millions
d'adhérents ( presque tous des Caodaïstes ) ", le Président de l'église
de prosélytisme du Caodaïsme lui adressait, le 2 décembre,
" dans l'intérêt supérieur de la religion caodaïque et dans le respect
de la vérité ", une mise au point précisant que :
-
La dite association comprend dans son
sein un grand nombre de Caodaïstes relevant uniquement de l'Eglise de Tây-Ninh
;
-
La religion caodaïque compte dans l'ensemble
environ 2 millions d'adeptes dont la grosse majorité se répartissent dans
plusieurs églises différentes, distinctes de celle de Tây-Ninh, et n'ayant
rien à voir avec un quelconque parti politique ;
-
Le caodaïsme étant essentiellement
une religion, il ne peut être assimilé à une organisation politique temporelle
et n'a pas de représentant politique.
A la vérité, on était bien près de penser, en France, que ce mouvement n'avait
plus d'existence et qu'après avoir joué au Viêt-nam, durant dix ans, un rôle
politico-militaire considérable, il avait disparu aux alentours de 1956. Les
faits ci-dessus, par les précisions qu'ils nous donnent, soulignent l'inexactitude
d'une telle conception.
HISTORIQUE
Si la naissance du Caodaïsme porte la date officielle du 7 octobre 1926, sa
gestation durait, en fait, depuis le début du siècle.
Les événements qui, à l'époque, secouaient l'Extrême-Orient ( guerre russo-japonaise,
révolution chinoise, expansion du Japon ) trouvaient un écho profond au Viêt
nam, où apparaissait une nouvelle génération d'intellectuels, nourris de culture
française. Sans rompre de manière délibérée avec le passé, chacun prenait
davantage conscience des idées de progrès et de liberté, de valeur de l'individu.
Dans le sud du pays, - la Cochinchine d'alors - , l'évolution s'effectuait
plus rapidement, le régime politique entraînant une modification plus profonde
de la société traditionnelle, et la situation économique prospère favorisant
l'apparition d'une nouvelle classe, celle de riches propriétaires fonciers,
à l'influence croissante.
Mais le statut colonial mettait en même temps un frein aux aspirations nationalistes
qui se faisaient jour, et les rares satisfactions obtenues par les uns ne
faisaient généralement que mieux éclairer les doléances du plus grand nombre.
Face à cet horizon peu engageant, les jeunes Vietnamiens, pénétrés des idées
d'Occident, se lancent à la recherche de voies nouvelles, qui puissent les
conduire vers un nouvel équilibre, et leur assurer une existence conforme
à leurs ambitions. A l'exemple des anciens lettrés, certains évoquent les
génies ; il font appel aux ressources du spiritisme pour obtenir de l'au-delà
messages et oracles, où ils espèrent trouver une solution aux problèmes qui
les préoccupent, un remède aux inquiétudes qui les assaillent.
Le Caodaïsme doit son apparition à la rencontre au Viêt-nam de l'Orient et
de l'Occident, au déséquilibre provoqué par cette rencontre, à la recherche
d'un ordre nouveau laissant à chacun entrevoir une vie meilleure, grâce à
la conciliation des éléments heureux de cette rencontre et à une évolution
plus libérale des rapports ainsi crées.
Ngô Van Chiêu, le premier caodaïste, naît à Binh-Tây, près de Cho-Lon, le
28 février 1878. Après avoir suivi, en qualité de boursier, les cours du collège
de My-Tho, il obtient de diplômes d'études complémentaires franco-indigènes
et réussit, en 1899, au concours de recrutement de secrétaires du gouvernement.
Débordant de modestie, ignorant l'ambition, Ngô Van Chiêu occupe honnêtement
divers postes administratifs. En 1902, en service à Thu-Dâu-Môt, des amis
le convie à une séance de spiritisme, au cours de laquelle un Esprit l'interpelle
et lui recommande de persévérer dans la voie qu'il s'est tracée. Dès lors
il s'adonne plus que jamais aux pratiques taoïstes et des ouvrages spirites.
Très vite, il acquiert une réelle pratique des communications avec l'au-delà.
En 1920, nous le retrouvons exerçant les fonctions de délégué administratif
de l'île de Phu-Quôc, dans le golfe du Siam. Il y jouit d'une grande liberté,
ce qui lui permet de réunir une équipe de jeunes médiums avec lesquels il
consulte très fréquemment les Esprits. L'un de ces derniers se révèle à lui
avec beaucoup d'assiduité. C'est CAO-DAI, le Très-Haut, qui lui confiera bientôt
la mission de propager ici-bas une religion universelle, qu'il devra symboliser
par un oeil grand ouvert.
Dans le même temps, à Saigon, fonctionnent plusieurs groupes spirites, tous
animés par de jeunes secrétaires du gouvernement. Ils utilisent la "
table frappante ", procédé lent et incommode. Mais aucune liaison, semble-t-il,
n'existe entre eux. Quant à Ngô Van Chiêu, muté à Saigon en 1924, il rentre
de son île lointaine avec quelques-uns uns de ses acolytes et, en leur compagnie,
la nuit venue, il continue à recevoir communications et messages.
Une conversion retentissante, celle du Conseiller Colonial Lê Van Trung, survient
l'année suivante. Personnage très connu, ancien fonctionnaire devenu entrepreneur
de travaux publics, ruiné après avoir rassemblé une confortable fortune, très
attaché aux jouissances de ce monde, Lê Van Trung accepte l'invitation que
lui fait un de ses parents, fervent taoïste, d'assister à une séance spirite
dans la banlieue de Saigon. L'esprit s'adresse à lui, l'engage à devenir vertueux,
et lui annonce un avenir brillant. L'intéressé, vivement frappé, devient sans
tarder un véritable ascète. La nouvelle de ce changement total de mode de
vie, diversement commenté, n'en provoque pas moins une intensification de
l'activité spirite et une multiplication des adeptes.
Parmi tous les groupes, qui agissent en ordre dispersé, il en est un auquel
l'habilité du médium, Pham Công Tac, jeune agent des Douanes, procure une
notable célébrité. Un Esprit s'y manifeste souvent, dont les renseignements
profonds frappent d'étonnement les assistants, il conserve jalousement son
anonymat, et signe des trois premières lettres de l'alphabet vietnamien. Dans
la nuit du 24 décembre 1925, il révèle enfin sa véritable identité, disant
: " Réjouissez - vous de cette fête. C'est l'anniversaire de ma venue
en Europe pour enseigner ma doctrine... ". Il n'y a désormais plus de
doute, CAO-DAI, le Très Haut, c'est l'Être Suprême, Dieu lui-même. On imagine
facilement l'importance d'une telle révélation.
Les médiums reçoivent bientôt l'ordre d'établir des liaisons entre les groupes,
et d'engager ces derniers à opérer leur fusion. Ils reçoivent également pour
mission d'abandonner l'usage de la table frappante au profit de la corbeille
à bec dont Ngô Van Chiêu, auprès duquel ils doivent se rendre, leur enseignera
la pratique. Le 18 février 1926, celui - ci reçoit la visite de Pham Công
Tac, accompagné de Lê Van Trung. L'union se réalise pour un temps. Mais Ngô
Van Chiêu, le " frère aîné ", semble éprouver quelque crainte du
mouvement de masse qui s'annonce. Il va s'effacer et, retiré à Cân-Tho avec
quelques adeptes, il constituera en fait le premier groupement de dissidents.
Il mourra le 18 avril 1932.
Dès avril 1926, Lê Van Trung a pris la tête du mouvement. Ses talents d'organisateurs,
une propagande intelligente, les mystères de la religion naissante ont attiré
de nombreuses " conversions " de gens désireux de nouveauté et venus
des milieux les plus divers. Le 7 octobre 1926, le Gouverneur de la Cochinchine
reçoit la déclaration officielle de la fondation du Caodaïsme. Prudent, il
se contente d'en prendre acte, sans toutefois s'engager formellement à le
reconnaître.
Mais cette simple tolérance suffit bien aux promoteurs qui accentuent sans
délai leur efforts de propagande. On compte, quelques semaines plus tard,
20.000 adeptes. Cette réussite spectaculaire commence à inquiéter les autorités,
qui ne voient pas sans surprise le mouvement de conversion s'étendre au Cambodge.
Non loin de la frontière de ce pays, à Tây-Ninh, situé à 100 kilomètres environ
du Nord-Ouest de Saigon, les Caodaïstes commencent à ménager une ville sainte,
grâce à un large concours de main d’œuvre gratuite et de dons importants.
A l'occasion des fêtes grandioses de l'Avènement, célébrées du 18 au 20 novembre
1926, un sacerdoce est mis en place, un code religieux promulgué, et Lê Van
Trung intronisé comme Pape intérimaire. Doté de ses premières assises, le
Caodaïsme peut désormais se consolider et étendre son emprise.
Par centaines, les pèlerins cambodgiens affluent chaque jour à Tây-ninh, souvent
même sous la conduite des bonzes. De tels mouvements de masses alarment l'administration.
Le Ministre des Cultures de Cambodge, à plusieurs reprises, se voit contraint
de procéder à une véritable défense du bouddhisme traditionnel, puis de condamner
officiellement le Caodaïsme fin 1927. Devant la rigueur des sanctions édictées,
les déplacements vers Tây-ninh s'arrêtent presque totalement. Mais l'évangélisation
va se poursuivre sur place, discrète et prudente, placée sous l'égide d'un
Esprit des plus assidus dans ses manifestations : celui de Victor Hugo.
Faisant suite à un nouveau raidissement des Autorités du Protectorat, de graves
incidents éclateront au cours des années suivantes. Ils donneront lieu à de
violentes campagnes de presse et à quelques procès retentissants, qui auront
leur prolongement jusque dans les milieux gouvernementaux en France. Avec
l'avènement du Front Populaire, la liberté du culte sera reconnue aux Caodaïstes
en 1934. En mai 1937, l'Evêque Thran Quanta Vien, " chef de la mission
étrangère ", inaugurera solennellement le temple de Phnom Penh. Mais
les entraves rencontrées durant les premières années, aggravées par l'écho
des rivalités divisant les hauts dignitaires de Tây-ninh, auront eu pour effet
d'écarter jusqu'ici du Caodaïsme la grande masse des Cambodgiens.
Revenons
à Tây-ninh. En 1930, le Saint-Siège fait état de 500.000 fidèles, soit le
huitième environ de la population du Sud-viêtnam. Le succès serait total si
de sérieuses divergences, motivées non par des questions de doctrine, mais
semble-t-il, par des considérations matérielles, ne provoquaient périodiquement
des départs de dignitaires. Ainsi vont se constituer, en différents points
du pays, diverses petites sectes rivales, qui n'entameront guère durablement
le prestige de Tây-ninh. Pourtant, des accusations d'indélicatesse sont lancées,
qui atteignent la personne même de Lê Van Trung, et qui grossissent la masse
des mécontents et justifient de nouveaux départs. Une crise économique s'abat
à la même époque sur l'Indochine ; elle ne manque pas d'éprouver le Saint-Siège,
où la disette fait suite à l'abondance. Malade, épuisé par les luttes qu'il
a dû mener, éprouvé par l'état d'abandon qui règne autour de lui, Lê Van Trung
meurt le 8 novembre 1934.
Il ne sera pas remplacé en titre. Un an plus tard, alors que les passions
demeureront vives, un Grand Concile confiera les destinées du Caodaïsme au
chef des médiums, " Protecteur des Lois ", Pham Công Tac, qui n'a
cessé, durant les années de crise, de jouer aux côtés du Pape défunt un rôle
sans cesse grandissant. Du 12 novembre 1935 jusqu'à sa mort, le 17 mai 1959,
ce haut dignitaire restera, pour la plupart des infidèles, le Supérieur du
Caodaïsme.
L'orientation nouvelle de la politique coloniale française, la liberté du
culte obtenue dans l'Indochine entière, le calme revenu progressivement à
Tây-ninh favorisent une reprise de l'effort de propagande. L'intelligence
et l'habileté du nouveau chef assurent par ailleurs une reprise en main efficace.
Mais l'activité des sectes dissidentes demeure. Fort jalouses de leur indépendance,
celles-ci n'en aspirent pas moins à une certaine unité de direction qui effacerait
l'impression d'anarchie laissée par leurs rivalités. Un " Congrès Universel
des Sectes Caodaïques ", réuni en 1936, élève à sa présidence le Conseiller
Colonial et publiciste Nguyen Phan Long, dont le prestige paraît de nature
à rallier bien des hésitants. Pourtant, au bout de trois années d'efforts,
les résultats demeurent assez maigres. Tây-ninh est resté à l'écart et conserve
une autorité réelle sur la majorité des Caodaïstes.
A la veille de la guerre, les passions semblent s'être quelque peu apaisées.
D'autres préoccupations se font jour, et l'attention se porte sur l'attitude
de personnalités dites nationalistes militant au sein du Caodaïsme. Sous le
manteau, circulent des messages spirites qui contiennent des allusions aux
conflits imminent et à ses conséquences politiques possibles. Le Saint-Siège
refuse de les reconnaître comme valables, mais, par ailleurs, des dignitaires
manifestent une sympathie certaine envers la poussée nationaliste et semble
attendre du Japon un concours déterminant pour la réalisation de leurs vœux.
Au Japon, d ' où il mène une lutte sévère contre le régime colonial, s'est
en effet réfugié depuis 1906 le Prince CUONG DE, descendant direct de GIA
LONG, le fondateur de la dynastie des NGUYEN ( 1802 ). En 1936, il a fondé
la " Ligue pour la Restauration du Viêt-nam ", et son prestige grandit
dans les rangs du Caodaïsme. La défaite de 1940 fait paraître comme imminent
le retour de CUONG DE au Viêt-nam, une active propagande le laisse entendre,
à laquelle bien des Caodaïstes ne demeurent pas insensibles. Autant de raisons
qui suscitent une plus grande vigilance des autorités administratives. Le
Gouverneur Général DECOUX juge bon de prendre des mesures rigoureuses.
Fin 1940, nous assistons aux premières fermetures d'oratoires. L'agitation
persiste. En 1941, Pham Công Tac et cinq autres dignitaires sont arrêtés,
puis finalement déportés à Madagascar. La rigueur croissante de l ' administration
aggrave le malaise dans les milieux caodaïstes, où se développent les défections,
les dérobades et les fuites de dignitaires vers l'étranger. Par la force des
choses, le mouvement caodaïste prend de plus en plus l'aspect d'un mouvement
politique.
Les Japonais, installés dans le Sud-indochinois en 1941, ne tardent pas à
exploiter à leur profit le mécontentement suscité par les entraves du gouvernement.
Ils prennent d'abord sous leur protection le temple de Phnom-Penh, d'où partent
alors ordres et directives. Puis ayant fait droit aux protestations françaises
et rendues " à l'exercice du culte " ce temple aussitôt occupé et
fermé, ils inaugurent à Saigon, en octobre 1942, une collaboration nippo-caodaïste
que seule favorise une convergence d'intérêts.
L'Evêque Trân Quang Vinh, ancien chef de la Mission du Cambodge, a reçu par
message spirite l'ordre de prendre provisoirement la direction de la secte.
Il sera, jusqu'à la défaite japonaise, l'âme de cette collaboration dont le
souci de vérité oblige à dire qu'elle ne fut jamais marquée par une réelle
sympathie mutuelle et qu'une méfiance certaine présida souvent aux rapports
entre les partenaires.
C'est l'époque où le Prince CUONG DE multiplie ses contacts avec les Caodaïstes,
où ceux-ci adhèrent à la " Ligue pour la Restauration du Viêt-nam ",
où des milliers d'engagés volontaires reçoivent d'instructeurs japonais une
formation les préparant à des missions de renseignement et de combat. Une
force militaire caodaïste se constitue peu à peu sous le couvert d'une entreprise
de construction de jonques employant une main d’œuvre nombreuse. Le 9 mars
1945, ces combattants passent à l'action ouverte, et se révèlent de précieux
auxiliaires des Japonais, lord de leur coup de force contre l'autorité française.
Dès le lendemain 10 mars, à nouveau la liberté du culte fut proclamée, et
les fidèles reprennent le chemin des oratoires. L'existence d'une force militaire
caodaïste, doté d'un état-major particulier, est reconnue par l'occupant.
Mais l'éclatement des bombes d'Hiroshima et de Nagasaki met fin, pour un temps,
à cette ascension. Vaincu, le Japon se retire du Viêt-nam, où le Front Viêt-Minh,
sous direction communiste, prend le pouvoir. Prudemment, les Caodaïstes se
rallient à ce Front, tout en cherchant à défendre leur propre autonomie.
Trân Quang Vinh doit s'effacer. Arrêté par le Viêt-minh, il parvient à s'évader,
mais les forces françaises qui " nettoient " la région de Saigon
s'emparent de sa personne. Toujours soucieux des intérêts de la secte, il
juge préférable de négocier. En échange d'une reconnaissance officielle du
Caodaïsme et du retour des exilés de Madagascar, il promet la collaboration
de ses troupes à la pacification d'un régime nouveau que laissent espérer
les promesses faites à Brazzaville. L'accord est conclu le 9 juin 1946.
Le Supérieur Pham Công Tac rentre au Viet-nam le 21 août. Le 30, il
reprend possession du Saint-Siège. Aussitôt, il s'attache à réorganiser le
mouvement, tâche difficile sur le plan politique et militaire. L'autorité
accrue dont il jouit triomphera, non sans mal, des multiples rivalités qui
se feront jour parmi les cadres.
L'appui accordé par les troupes caodaïstes à l'armée française dans sa lutte
contre le Viêt-minh a suscité bien des commentaires ; il a été diversement
jugé. Des ralliements alternant avec de célèbres départs en dissidence illustrent
cette coopération, plus ou moins étroite, plus ou cordiale selon les moments.
Il fut un temps où les chef français souhaitaient presque tous avoir sous
leurs ordres des combattants Caodaïstes, réputés pour leurs qualités de mordant
et de courage. On a cependant trop oublié parfois que ces troupes se battaient
pour leur religion et pour leur pays, d'où les heurts, les difficultés qui
surgirent périodiquement et, finalement, le climat de méfiance qui gagna tous
les échelons.
Pham
Công Tac rêvait sans doute de pouvoir jouer dans son pays un rôle de médiateur,
de conciliateur et, - pourquoi pas ? - de se hisser peut-être à la magistrature
suprême. Ses contacts plus ou moins avoués avec les différentes formations
politiques, même adverses, la fluidité de certaines de ses prises de position
l'ont par moments rendus suspect, alors qu'il demeurait néanmoins un personnage
considérable, écouté et influent. Plusieurs fois, il a tenté d'opérer l'union
de toutes les forces combattantes anti-communistes. Cependant chacun des partenaires
tenait trop à la sauvegarde de ses propres positions pour que ces tentatives
fussent couronnées de succès.
Le 5 juillet 1954, le Président Ngô Dinh Diêm constitue son premier gouvernement,
dans les conditions difficiles que l'on sait, après Genève. Désireux d'asseoir
son autorité sur tout le territoire vietnamien, il cherche à bâtir une entente
durable entre les divers groupements, et entend donner à son armée la place
qui lui revient dans un Etat organisé. Mais les diverses sectes, qui occupent
chacune une partie du pays, prétendent ne pas souffrir une diminution de leur
autorité? En 1955, le Président Diêm décide de briser les résistances. Il
parvient à nationaliser une partie des troupes Caodaïstes. Il détruit la puissance
militaire organisée des sectes et assure la victoire de l'armée nationale.
Le Saint-Siège devient le théâtre de difficultés sanglantes. Pham Công Tac
annonce qu'il " se réfugie dans l'universalité de la religion ".
Toutefois les menaces continuent à peser lourdement sur Tây-ninh. Dans la
nuit du 14 au 15 février 1956, le Supérieur et quelques fidèles jugent plus
prudents de s'enfuir au Cambodge. Le caodaïsme se trouve à un nouveau tournant
de son histoire.
Les troupes du Général Van Thanh Cao occupent le Saint-Siège le 17 février,
" pour y faire régner l'ordre public ". Le 24 février, le Général
Nguyen Thanh Phuong place ses dernières unités sous les ordres du Gouvernement.
Par la convention du 28 février, les hauts dignitaires restant à Tây-ninh
s'engagent à n'exercer qu'une activité strictement religieuse, et à se conformer
rigoureusement aux lois de la République.
Ainsi, trente ans après sa fondation, le Caodaïsme a retrouvé la voie de la
religion. Une assemblée tenue au Saint-Siège du 11 au 14 mai 1957 a confié
au Chef Temporel Cao Hoai Sang la direction de la secte. Deux ans après, presque
jour pour jour, Pham Công Tac mourra à Phnom Penh, à l'âge de 70 ans.
ASPECTS RELIGIEUX
Le Caodaïsme se présente comme étant la doctrine de CAO-DAI, le Créateur,
l'Eternel qui, utilisant la voie spirite, s'est révélé au Viêt-nam dans la
nuit de Noël 1925. Il se dit, plus exactement, " la Grande Voie (
Religion ) de la 3ème Amnistie de Dieu ", ou encore celle du " 3ème
Salut Universel " accordé par Dieu en Orient.
Ayant une vue cyclique de l'Univers, cette doctrine enseigne en effet que
le Maître Divin, Dieu le Père, s'est tout d'abord manifesté en incarnation,
par matérialisation psychique et en paroles pour se faire connaître aux initiés
et aux médiums. Cette première Amnistie correspond à l'époque de Moïse en
Occident, des Empereurs PHUC HY, THÂN NÔNG et HUYNH DÊ en Orient.
La seconde Amnistie se rapporte au temps de CAKYA - MOUNI, de CONFUCIUS et
de LAOTIUS en Orient, à celui de JESUS - CHRIST et de MAHOMET en Occident.
Durant ce nouveau cycle, Dieu s'est révélé sous une forme humaine en la personne
de son fils et de messagers, ayant tous pour mission d'enseigner aux hommes
la Foi en Dieu.
Chaque cycle se termine par une décadence, une dégénérescence de la société.
La religion elle-même souffre de déviations coupables. Miséricordieux, le
Créateur accorde alors son Salut Universel pour racheter les hommes et les
ramener dans la bonne voie.
La troisième Amnistie provient de la manifestation du Saint-Esprit. Au moyen
du spiritisme, aux aspects si divers de par le monde ( autant de signes précurseurs
), Dieu entend ramener à lui l'humanité plongée dans le matérialisme, en lui
indiquant la Grande Voie, en lui inculquant la Foi Universelle.
En principe, le Caodaïsme ne prétend nullement être une religion nouvelle,
ni remplacer les religions existantes. Il ne renie rien de l'essentiel des
diverses doctrines existantes en ce monde, et il n'en rejette formellement
aucune car, dit-il, toutes ont une origine divine. Mais l'homme, dans sa faiblesse,
veut imposer sa propre croyance, l'estimant supérieure aux autres ; ses agissements
provoquent une dégénérescence de toutes les religions, et leur éloignement
de la voie tracée par Dieu.
Le Créateur entend maintenant refaire l'Unité Primordiale, promouvoir l'union
de toutes les doctrines existantes. Ainsi s'annonce " l'Ere de l'Universalité
". Les fidèles du Caodaïsme, obéissant aux ordres divins, ont pour seule
préoccupation de faire disparaître les divergences qui séparent aujourd'hui
les religions. Ils rejettent toute idée de sectarisme, pratiquant la plus
large tolérance, afin d'assurer l'existence d'une foi unique, seule source
de bonheur pour l'humanité. Le monde ne milite-t-il pas, dans tous les domaines,
pour parvenir à l'Unité?
Ainsi s'expliquent les " Cinq Branches du Caodaïsme
" ( Bouddhisme, Taoïsme, Confucianisme, Christianisme, et Culte des Génies
) et les divers emprunts effectués de part et d'autre. Nous nous trouvons
en présence d'un véritable essai de syncrétisme qui, au lieu de suivre les
chemins du cœur ou du mysticisme, a fait appel, pour se constituer, aux méthodes
du spiritisme.
Le Viêt nam connaît depuis fort longtemps la pratique du spiritisme. Dans
les temples taoïstes, on a coutume d'évoquer les Immortels par l'entremise
de la corbeille à bec. Dans le culte dit des "Bà Dông", sous forme
d'hypnose, le Génie prend possession du médium, généralement une femme. Mais
il fallait à ces précédents quelque peu décadents l'intervention d'un élément
nouveau, propre à en assurer la dégénérescence. La faveur du spiritisme en
Occident au siècle dernier et son introduction au Viêt nam au début de ce
siècle devaient exercer ce rôle. Parmi toutes les écoles, celle d'Allan KARDEC
allait jouir d'une faveur particulière.
On sait que la table frappante fut rapidement abandonnée au profit de la traditionnelle
corbeille à bec. Celle-ci se présente sous la forme d'un petit cylindre en
osier de 20 centimètres environ de diamètre, recouvert de soie jaune, et muni
d'une sorte de manche en bois terminé par une sculpture de tête de phénix.
Pour communiquer avec l'au-delà, deux médiums, assis face à face, tiennent
des deux mains la corbeille retournée. Dès qu'ils se trouvent en relations
avec un Esprit, ils provoquent des mouvements de la corbeille. Différents
procédés sont alors utilisés pour recueillir les communications obtenues.
Le bec du phénix, en picorant un tableau de l'alphabet désigne successivement
les lettres composant les mots du message. Ou bien, le bec du phénix, muni
d'un pinceau ou d'un crayon, trace directement les lettres ou les caractères.
Parfois encore, le bec se déplace sur un plateau préalablement recouvert de
sable fin ou, plus rarement, se déplace dans l'air, mais la lecture exige
dans ce cas une très grande habileté des pratiquants.
La révélation de la doctrine caodaïste s'est effectuée selon ces divers procédés.
Les médiums l'ont recueilli en rassemblant des messages successifs, communications
et instructions émanant principalement de l'Esprit de Ly Thai Bach ( Li Tai
Péi ), poète chinois du VIIIè siècle, fervent taoïste, mort de noyade un soir
où, en état d'ivresse, il essayait de recueillir dans le fleuve un rayon de
lune. C'est lui le " Pape spirituel " du Caodaïsme. Cette révélation
était pratiquement terminée en 1930. Depuis lors, la plupart des messages
reçus n'ont surtout servi qu'à l'exégèse, et n'ont jamais été admis officiellement
par les Autorités du Saint-Siège. On n'a pas oublié que, parmi les Esprits
occidentaux les plus assidus aux séances, ceux de Jeanne d'Arc et Victor Hugo
figurent au premier plan.
Le Caodaïsme enseigne que toutes les croyances sont des manifestations différentes,
dues à la diversité des époques et des hommes, d'un même culte rendu à un
Dieu unique, souverain maître de l'univers. Il affirme l'existence de l'âme,
survivant à la dépouille matérielle, progressant sur la voie de la perfection
par une série de réincarnations au cours desquelles l'être humain se doit
de pratiquer les devoirs traditionnels envers la société, envers la famille,
et envers sa propre personne. Les règles morales sont classiques : elles tendent
à l'amélioration de l'individu, à la pratique de la vertu, au règne de l'amour
universel. Pour cela, il convient d'observer les cinq interdictions :
- ne tuer aucun être vivant ;
- ne pas être cupide ;
- ne pas faire bonne chère ;
- s'abstenir d'acte de luxure ;
- éviter de pécher en paroles ;
L'observance des quatre commandements ( obéissance, modestie, honnêteté, respect
) et la rectitude des huit chemins suivis ( connaissance, volonté, parole,
action, vie, effort, pensée, recueillement ) amèneront l'homme à la perfection.
Le culte, célébré au Saint-Siège, dans les oratoires et dans chaque maison
familiale, est d'une extrême simplicité. Exception faite des cérémonies célébrées
dans les oratoires ou au Saint-Siège en conformité du calendrier liturgique,
il consiste en des prières dites quatre fois par jour ( minuit, 6 heures,
midi, 18 heures ) devant l'autel, et en des offrandes de fleurs, d'alcool
et de thé, symbolisant notre corps physique, notre intelligence et notre âme.
Sur l'autel trône l'image de l'OEIL divin, qui matérialise l'omnipotence,
l'omniscience et l'omniprésence du Créateur.
Une lampe à verre sphérique ( la sphère représentant l'univers ) y brûle en
permanence. Un brûle-parfums et deux chandeliers complètent le mobilier ;
auprès d'eux se placent les offrandes.
L'organisation du Caodaïsme porte la marque de ses fondateurs, tous agents
ou anciens agents de l'administration, qui a servi de modèle.
Le Saint-Siège, à proximité de Tây-ninh, à 100 kilomètres environ au Nord-Ouest
de Saigon, occupe une vaste étendue où s'élèvent la basilique et de nombreux
bâtiments publics et privés constituant une sorte de ville religieuse dont
la population a compté naguère encore près de 10.000 personnes.
Les pouvoirs de direction se répartissent entre trois organismes :
-
Le Corps Exécutif, représentant le
pouvoir temporel. A sa tête, un Pape, dont le titulaire est l'Esprit Ly
Thai Bach. Lê Van Trung n'en remplissait que les fonctions. A sa mort, personne
n'accéda à cette dignité, le " Gardien des Lois " Pham Công Tac
recevant le seul titre de Supérieur du Caodaïsme. Viennent ensuite 3 cardinaux-censeurs,
3 cardinaux, 36 archevêques, 72 évêques, 3.000 prêtres et un nombre illimité
d'élèves-prêtres. De la sort se trouvent représentées, par un nombre égal
de dignitaires, les trois branches principales de la religion ( Bouddhisme,
Taoïsme, Confucianisme ).
-
Le Corps Législatif, représentant le
pouvoir spirituel et détenant le pouvoir mystique, est placé sous l'autorité
du " Gardien des Lois ", chef des médiums, fonctions exercées
par Pham Công Tac jusqu'à sa mort. Un cadre de dignitaires semblable à celui
du corps exécutif, le compose. Les 15 membres supérieurs se répartissent
à l'égalité en trois branches, l'une à laquelle est confié l'enseignement
de la Loi, l'autre chargée de la vie religieuse, la troisième s'occupant
de la vie séculière.
-
Le Corps de Charité, constitué à l'image
des précédents, a pour tâches principales l'administration de certains biens
et la recherche des concours nécessaires aux oeuvres d'assistance à toutes
les personnes se trouvant dans le besoin. L'entretien du Saint-Siège entre
également dans ses attributions, d'ordre essentiellement économique.
Assemblées, tribunaux et organes d'exécution complètent l'organisation. Mais
bien des postes n'ont jamais eu de titulaires, et les vacances sont aujourd'hui
encore plus nombreuses, du fait des décès et des événements.
Sur le plan territorial, le découpage administratif du pays a été conservé,
pour des raisons pratiques. Cinq régions ont chacune à leur tête un évêque-inspecteur,
tandis que les dignitaires mineurs exercent leur ministère dans les différentes
circonscriptions, compte tenu de l'implantation du Caodaïsme dans le pays.
Nous rappellerons, à ce sujet, que cette organisation de la secte de Tây-ninh
n'a rien à voir avec elle, beaucoup plus simple, des autres sectes caodaïstes
existantes.
Les jugements les plus divers ont été portés sur cette doctrine, et de fort
nombreux articles de presse lui ont été consacrés.
Dans la " Dépêche Coloniale " du 15 mai 1928, Jehan Centrieux fait
état, quant aux origines, d'un malaise indochinois provoqué par une trop grande
foi de la France en l'occidentalisme, par une évolution trop rapide de l'Indochine
conduite à se détourner de ses assises traditionnelles, au point que "
l'Annam se meurt de ne pouvoir plus regarder en arrière sans honte, et de
ne se sentir plus attaché au passé que par des prémices de quelque vague remords
". Les hommes alors ont recherché " des compensations... rencontrées
dans le domaine plus accessible... c'est-à-dire dans le fantastique. De là
vient que le Caodaïsme a bénéficié dès son apparition d'une vogue immense
".
Le " Midi Colonial " du 1er janvier 1931 parle d'une " vaste
escroquerie ", d'un "véritable danger pour la sécurité de l'Indochine
". Pourtant, au cours des années 1930 et 1931, des mouvements communistes
ensanglantent certaines régions du Viêt-nam, mouvements auxquels les Caodaïstes
demeurent étrangers. Le Député de la Cochinchine, Ernest Outrey, d'abord violemment
hostile à cette religion, écrit, le 18 juillet 1932 : " Très prévenu
contre eux, je les avais en effet, longtemps suspectés. De très bonne foi,
j'avais même demandé qu'ils soient soumis à une surveillance sévère. Or, j'ai
aujourd'hui tout lieu de croire que les renseignements qui m'avaient été fournis
sur leur compte étaient, sinon absolument faux, du moins exagérés... C'est
ce qui m'a déterminé à leur déclarer que j'étais décidé à réclamer en leur
faveur un régime de liberté pour la religion qu'ils pratiquent... "
En fait, tous ceux qui, par fonctions, intérêts ou convictions, étaient attachés
à l'ordre établi en Indochine ne voyaient pas sans inquiétude grandir ce mouvement
d'essence religieuse, mais né d'un profond malaise social, et dont les adeptes
se trouvaient engagés dans la poussée nationaliste sans cesse croissante.
Ceci explique en grande partie les attaques lancées contre le Caodaïsme. En
outre, les adversaires du spiritisme ne pouvaient que condamner une doctrine
basée sur de telles pratiques, pour eux inadmissibles.
Favorisé, à ses débuts, par les circonstances, le Caodaïsme a, par la suite,
beaucoup souffert des événements. Les divisions et les rivalités l'ont affaibli,
ont contrarié son développement. Puis son caractère religieux s'est, pour
un temps, estompé et l'on a vu grandir un mouvement politico-militaire entre
1942 et 1955, une sorte d'Etat dans l'Etat.
La remise en ordre du Viêt-nam, amorcée dès après Genève, ne pouvait tolérer
une pareille situation. On sait ce qu'il en est advenu. La sagesse des gouvernants
a su éviter le pire. La foi sincère de ses dignitaires et de ses adeptes a,
de son côté, sauvé l'existence du Caodaïsme qui demeure aujourd'hui l'une
des croyances notables du sud-est Asiatique et, comme telle, digne du respect
dû à toute croyance sincère.
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